Biographie de Néricault Destouches

Philippe Néricault, dit Destouches

Philippe Néricault, dit Destouches. Né à Tours, le 9 avril 1680.
Mort au château de Fortoiseau à Villiers-en-Bière, le 4 juillet 1754.

Qui n’ a jamais dit ou entendu :
Les absents ont toujours tort , Chassez le naturel, il revient au galop ou
encore La critique est aisée, et l’art est difficile ?

Philippe Néricault, qui en est l’auteur, nait le 7 avril 1680 à Tours, où une rue porte aujourd’hui son nom. Pourtant, rares sont ceux qui savent qu’il fut élu à l’Académie Française, dont il devint par la suite le directeur, que ses comédies furent jouées et applaudies plus de deux mille fois à la Comédie Française et que Madame de Pompadour aimait jouer des rôles dans ses pièces.

Philippe naît donc à Tours dans une famille de condition modeste du nom de Néricault et originaire de Richelieu en Poitou. Il fait ses études à Tours, au collège des Jésuites, puis comme externe à Paris, au collège des Quatre-Nations. Plus tard, il rejoint une troupe de comédiens ambulants. Incartade de jeunesse, à laquelle il met fin en s’engageant dans l’armée. Il participe sans doute à la guerre d’Espagne en 1697. C’est en 1699 qu’il rencontre Monsieur de Puysieux, ambassadeur français en Suisse, lequel, charmé de son esprit, le forme au métier de secrétaire, puis de secrétaire d’ambassade, en Suisse.

Dès cette époque, il fait des vers sur des sujets religieux. Il soumet ses essais à Boileau qui l’encourage puis il s’initie à l’art dramatique. En 1709, il fait jouer Le Curieux Impertinent qui séduit les comédiens amateurs du château de Soleure, en Suisse, avant d’être admise au répertoire de la Comédie Française en 1710 où elle sera jouée dix-sept fois, preuve de son succès. C’est cette pièce qui le fait connaître. Cela encourage le jeune écrivain dans sa voie et la succession de ses succès théâtraux lui vaut l’amitié du Régent.

En 1715, recommandé par M. de Puysieux, Destouches accompagne le futur cardinal Dubois en Angleterre le secondant avec habileté dans la négociation qui aboutira, en 1717, à la Triple-Alliance entre la France, l’Angleterre et la Hollande contre l’Espagne. Après la retraite de Dubois, alors qu’il exerce les fonctions de ministre plénipotentiaire pendant six ans, il tombe éperduement amoureux d’une jeune anglaise catholique, Dorothée Johnston de Blackborn, qu’il épouse secrètement à Londres, le 21 septembre 1721. Il tiendra cette union cachée jusqu’à son retour en France. Dorothée Johnston sera par la suite naturalisée à Paris, le 8 février 1725.

Les premiers succès littéraires de Néricault-Destouches et la reconnaissance de Dubois lui ouvrent les portes de l’Académie Française où il est élu, le 25 août 1723. A son retour en France, il est reçu par le Régent qui lui déclare : «Je vous donnerai des preuves de ma satisfaction qui vous étonneront vous-même, ainsi que tout le royaume». Mais le 2 décembre 1723, le Régent décède sans réaliser ses promesses et Destouches ne recueille d’autre fruit de ses travaux et de ses succès diplomatiques qu’une gratification de cent mille livres.

Il aspire, à 45 ans, à la vie de gentilhomme campagnard. Il recherche à la fois le calme et un moyen de venir en aide à sa famille, peu aisée. Il se fait pourvoir, en 1727, d’une charge de Garde de la Porte du Roi au château de Fontainebleau et achète, devant Le Meignan, notaire à Paris, le 1er décembre de la même année, à Hilaire Armand Rouillé du Coudray, une petite terre à deux lieues au sud de Melun composée des seigneuries-prévôtés de Fortoiseau et de Vosves, relevant du roi, et du fief des Vives-Eaux.

Château de Fortoiseau

Le château de Fortoiseau tel que l’on pouvait le voir vers 1920

Le château de Fortoiseau, entouré d’un jardin, d’un parc et d’une métairie devient ainsi la résidence habituelle du nouveau gouverneur de Melun. Si la ferme du château est aux mains d’un tenancier et rapporte 2000 livres par an, Destouches dirige lui-même l’exploitation de quelques terres et bois qu’il s’est réservés et dont il parvient à tirer le profit d’un agriculteur chevronné. Toujours dans le but d’améliorer le domaine, il réunit quantité de pièces de terre pour la facilité des cultures dans une sorte de remembrement avant l’heure.

A l’inverse, il favorise le morcellement de la propriété en vendant un certain nombre de parcelles à Vosves et à Farcy aux habitants de la localité. Cinquante-trois individus différents, c’est-à-dire la presque totalité des chefs de famille de Villiers, Vosves et Farcy accèdent ainsi à la propriété, source de prospérité pour les habitants des campagnes.

Le 16 mars 1729, Destouches obtient des lettres patentes pour la création d’un terrier, matrice cadastrale du temps, dressé par un notaire de Melun. D’août 1737 à mai 1745, une centaine de propriétaires déclarent leurs héritages mouvants des fiefs de Fortoiseau, Vosves et les Vives-Eaux.

Père de deux enfants qu’il faut établir, il fait de son fils un officier de mousquetaire. Il marie sa fille, Marie-Thérèse-Gabrielle, à peine âgée de 18 ans, en lui donnant en dot une rente de 2000 livres, à François-Henry Thiersant de Bourgmarie, brigadier d’infanterie et commandant en chef une brigade de volontaires de Flandre, chevalier de l’Ordre militaire de Saint-Louis. Son union avec la demoiselle Destouches est bénie, le 5 février 1754, dans la petite église de Villiers.

Lors du mariage de sa fille, Destouches est déjà fort malade et ne peut plus se déplacer. Un médecin et un chirurgien sont témoins des fiançailles et la cérémonie nuptiale se tient au château par autorisation spéciale de l’Archevèque de Sens. Il meurt , six mois plus tard, à Fortoiseau à 6 heures du matin, le 4 juillet 1754, à l’âge de 74 ans. Il est inhumé dans l’église de Villiers-en-Bière, sa paroisse.

Huit mois après la mort de son père, Mme de Bourgmarie, née Destouches, met au monde à Fortoiseau, le 5 mars 1755, Marie- Dorothée. Moins d’un mois plus tard, le 1er avril 1755, on enterre la jeune femme auprès de son père, elle n’avait pas dix-neuf ans.
Enfin, trois ans plus tard, le 29 mai 1758, la veuve du poète, née Dorothée Johnston de Blackborn, s’éteint à son tour à l’âge de 58 ans. Elle est enterrée le lendemain, aussi à Villiers-en-Bière, comme en attestent les registres paroissiaux.

Toutes ces morts amènent les hommes de loi à Fortoiseau. Au décès de Destouches, un inventaire avait été dressé par Dabilly, notaire à Melun, mais le mobilier était resté intact en possession de sa veuve. Au décès de celle-ci, c’est le lieutenant-général du baillage de Melun qui vient apposer les scellés, le jour même, à Fortoiseau et dresser un nouvel inventaire à la requète du fils et du gendre de Mme Destouches.

Au final, le domaine que Destouches avait formé avec tant d’amour et de soin, les arbres sous lesquels il avait écrit tant de pièces, les murs qui l’avaient vu mourir, tout cela est donc mis aux enchères à l’auditoire du Châtelet de Melun, le 12 janvier 1767. Ce jour là, le conseiller Claude-Pierre Lelong de Ligny achète le domaine, devenant à son tour seigneur de Fortoiseau, Vosves et autres lieux.

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Avec 27 pièces répertoriées dont dix-neuf montées à la Comédie Française et un total de 2050 représentations entre 1710 et 1860, Destouches, jusqu’au milieu du XIXème siècle, vient au quatrième rang des auteurs du XVIIIème siècle les plus joués à la Comédie Française, juste après Voltaire (4000 représentations), Régnard et Dancourt. La dernière édition de ses oeuvres complètes date de 1810 et son théâtre disparait de la scène après 1860.

Le portrait de Philippe Néricault-Destouches, peint par Nicolas de Largillière, se trouve à l’Académie Française.

Les absents ont toujours tort (l’Obstacle imprévu, I, 6)
Chassez le naturel, il revient au galop (id, III, 5)
La critique est aisée, et l’art est difficile (Le Glorieux, II, 5)